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Cher membre du Club,

Comment reconnait-on « une bulle » ?

(Avant qu’elle n’éclate, j’entends)

Quelques indices :

  • Quand 10 entreprises valent autant que 90 autres: c’est le cas de l’indice Nasdaq 100.
  • Quand 20 entreprises valent autant que 480 autres: c’est le cas de l’indice S&P 500.
  • Quand le marché est prêt à attendre 71 ans pour amortir un investissement: c’est le cas de Nvidia.

Le secteur de la technologie aux USA est une bulle – gonflée par l’intelligence artificielle (IA). Le tout est de savoir si c’est une bulle dangereuse.

Au milieu de Wall Street, une immense bulle. Prête à éclater ?

Hier, Amazon a dépassé le seuil de 2 000 milliards de dollars de capitalisation. Le cours de l’action a progressé de +55% depuis 1 an. Pourquoi ? Parce que « c’est de la tech ».

C’est formidable, mais c’est anormal : ni le chiffre d’affaires, ni le bénéfice, ni la part de marché n’ont autant progressé. En 2022, Amazon a même perdu de l’argent.

Pourtant, tout ce qui touche de près ou de loin à « la tech » progresse très fort, inexorablement. Comme si le fait d’être « tech » devait – par une connexion magique – profiter de l’IA.

Mais il y a un problème : l’IA est prétendument révolutionnaire et va changer nos vies. Qui s’en sert au quotidien ? Qui voit sa vie vraiment changée par Chat GPT ?

Il y a des cas d’usage, bien sûr. Mais pour l’instant c’est anecdotique.

Dans cet article, je vous propose de faire le tri entre les promesses de la tech et ses réalités – et de (re)découvrir un critère fondamental quand on veut acheter des actions.

Comme en sport, les équipementiers gagnent d’abord

Il y a 2 faces sur la pièce IA : celle des équipementiers, et celle des exploitants.

Pour l’instant, ce sont les équipementiers qui gagnent, vous en connaissez au moins un : Nvidia. On pourrait aussi citer AMD, ou Intel.

Mais leur métier, c’est de faire des puces suffisamment puissantes pour supporter la puissance de calcul exigée par les modèles de langage d’intelligence artificielle.

Dans le cas de Nvidia, c’est l’occasion qui a fait le larron : il se trouve que les puces qu’elle produit sont particulièrement adaptées aux modèles d’IA.

Le reste, c’est de la stratégie : avec 180 millions d’utilisateurs de Chat GPT arrivés en 18 mois, Nvidia a compris qu’il fallait être LE fournisseur de puces incontournable.

Avec sa position, Nvidia connait une croissance exceptionnelle : tant qu’on veut accéder à l’IA, Nvidia est assurée de voir ses revenus progresser. Trimestre après trimestre, la société progresse de +22% ! C’est inouï.

Mais soyons clairs : Nvidia ne fait pas d’intelligence artificielle à proprement parler. Ce serait comme dire que Michelin fait des voitures quand elle n’en fait que les pneus.

Et ce n’est pas péjoratif : Nvidia est un équipementier qui profite à fond de son avantage concurrentiel – tant qu’il existe. Le jour où AMD ou Intel se mettent à développer des puces aussi performantes, la folie s’arrêtera.

Alors, comment fait-on pour profiter de ce secteur « tech » sans entrer dans la folie ?

Achetez au moins la croissance !

Le 21 août à 23h, la messe sera dite.

Cette date, c’est le rendez-vous donné par Nvidia pour l’annonce des résultats du 2ème trimestre 2024. Et tout dépend de ça.

Absolument tout : le cours de bourse de Nvidia, donc le niveau du Nasdaq 100, donc celui du S&P 500, de la bourse américaine, et par effet de contagion celui des bourses européennes.

Parce qu’observez bien le graphe ci-dessus : l’action a été multipliée par 3x en 1 an, et par 32x en 5 ans.

Nvidia vaut plus de 3 000 milliards de dollars quand j’écris cette phrase. Mais elle ne fait 60 milliards de chiffre d’affaires. Soit un rapport de 1 à 50 !

À côté, Apple et Microsoft valent aussi chacune 3 400 milliards de dollars. C’est énorme ! Mais en comparaison, on parle de sociétés qui génèrent pour Apple 380 milliards de chiffre d’affaires, et 210 milliards pour Microsoft.

Un rapport de 1 à 10, plus « raisonnable ».

Et si on regarde le sacro-saint ratio PER (Price / Earnings Ratio) – qui mesure le prix d’une société en fonction de ses bénéfices, les résultats sont les mêmes : Nvidia semble avoir complètement pété les plombs.

Là où les actionnaires d’Apple payent 34 fois les bénéfices, et ceux de Microsoft 40 fois…

Une action Nvidia se paye aujourd’hui… 72 fois les bénéfices !

Pour le dire autrement, pour avoir droit à 1 dollar de bénéfice par action, vous devez payer 72 dollars.

C’est un mauvais « deal », mathématiquement.

Et pourtant c’est moins cher que l’an dernier. À la même date, Nvidia se payait 108 fois les bénéfices ! L’actionnaire qui est rentré début juillet 2023 à 42 dollars l’action a triplé sa mise depuis.

Comment a-t-il fait, cet actionnaire ? Je dirais qu’il a compris qu’avec Nvidia, il fallait acheter la croissance des bénéfices, et pas les bénéfices eux-mêmes.

Autrement dit, il faut être capable de mesurer la capacité de Nvidia (ou de toute autre société) non pas à gagner de l’argent, mais à en gagner encore plus trimestre après trimestre.

Et il y a un indicateur pour ça : le ratio « PEG ». Il rapporte le ratio PER d’une action au taux de croissance (g comme growth en anglais) du bénéfice par action.

Je le trouve particulièrement pertinent pour mesurer entre elles des sociétés tech qui à la fois (i) sont rentables (ii) sont en croissance forte.

D’ailleurs, reprenons l’exemple de Nvidia : son PEG est de 1,5x quand celui d’Apple et de Microsoft est de 2,3x (Amazon est à 2,1x).

Conclusion implacable et vérifiée historiquement : c’est moins cher d’acheter la croissance de Nvidia que celle d’Apple ou de Microsoft.

Mais attention : Nvidia ne fait pas d’IA.

Les exploitants aux aguets dans la tranchée

Qui sont les clients de Nvidia ? Des sociétés qui développent leur LLM (large language model), c’est-à-dire leur interface d’intelligence artificielle.

On connait surtout OpenAI (rachetée par Microsoft), qui développe ChatGPT, surtout utilisé par les particuliers. Il y en a bien d’autres, qui intègrent des programmes d’IA dans leurs activités professionnelles.

La santé, la banque, l’assurance et tous les secteurs où le traitement de quantités importantes de données est nécessaire sont demandeurs de technologies IA.

On sait aussi qu’Amazon, Meta et Google développent leurs outils d’IA à destination des clients particuliers.

Les GAFAM se partageant le gâteau de l’IA

Très récemment, Apple a annoncé le lancement d’« Apple IA » : cela m’a mis la puce à l’oreille.

Car Apple va développer son IA à partir de sa propre puce M1, produite en interne.

On entrevoit déjà un monde où les exploitants d’IA – j’entends par là ceux qui proposent des solutions d’intelligence articielle (logiciels, interfaces, applications, etc.) vont :

  • Toucher un marché immensément plus riche en valeur que celui des équipementiers
  • Finir par s’affranchir de ces mêmes équipementiers qui ne deviendront au mieux que des sous-traitants.

Mais tout ça, c’est une histoire à écrire.

On peut prendre beaucoup d’avance et miser dessus, en achetant du Apple, Microsoft ou autres. En termes de PEG, vous savez déjà qui est cher.

À mon tour de vous dire qui ne l’est pas : Google (1,6x) et Meta (1,2x).

Bon courage !

Je vous reparle très vite. 

Felix Baron