Skip to main content

Cher membre du Club,

Sale temps pour LVMH.

Tout va bien dans le groupe, mais le leader du luxe mondial nous avait habitués à mieux : croissance à 2 chiffres, revenus records, bénéfices, records, action au plus haut.

Mais bien ça ne suffit pas.

Le mieux, vous le savez, est l’ennemi du bien.

Cours de l’action LVMH depuis 12 mois

L’action a dévissé de -17% depuis un an. En comparaison, l’indice CAC 40 a progressé de +5,6%.

Et OUI, ça a du sens de comparer LVMH au CAC 40, puisque le luxe (Hermès + LVMH + Kering + L’Oréal dans une moindre mesure) représente un bon tiers de l’indice.

Les 4 sorcières au pays du monogramme

Chez LVMH, il se passe 4 choses qui ne sont pas toutes liées entre elles.

Ce qui est plus compliqué quand on veut s’y attaquer.

  • D’abord, la croissance du marché est plus molle. Là où les revenus du luxe progressaient de +24% par an entre 2019 et 2023 (étude Bain), ce ne sont que 4% de croissance qui sont attendus cette année. La demande ralentit.
  • La demande ralentit car les consommateurs asiatiques, en particulier Chinois, se lassent un peu de l’offre des maisons de luxe françaises. C’est très vite dit bien sûr : Hermès, qui représente l’ultra luxe au-delà des époques et des modes, est encore plébiscitée par la demande asiatique.

Mais si Kering va si mal depuis quelques trimestres…

… c’est à cause du Gucci, qui s’est perdue dans des collections et des collaborations bien éloignées de la vision originale du maroquinier italien.

C’est surtout valable dans le Prêt-à-Porter.

Il ne suffit pas que Pharell Williams soit le directeur artistique de Louis Vuitton pour qu’un client achète un sweatshirt à 1 200 euros.

Il faut encore qu’il soit magnifique, digne du luxe français.

Il y a donc une crise de la créativité à résoudre.

  • Et si les clients se lassaient de payer 1 200 euros pour un sweatshirt ? Sortir du Covid avec l’envie de vider son compte trop rempli sans regarder les prix, ça marchait en 2021 et en 2022 – allez, je tire sur le début 2023 avec le déconfinement chinois. L’inflation touche même les plus riches. Les prix du luxe se sont trop élevés par rapport à 2019, et même les clients les plus fortunés savent prioriser leurs achats.
  • Enfin, l’alcool ne passe pas. LVMH souffre sur ses maisons de vins et spiritueux, qui voient leur chiffres baisser trimestre après trimestre. C’est plus inquiétant car on est quand même au pays du pinard. Si le champagne se tient, le cognac beaucoup moins car les Chinois n’en achètent plus autant – en raison de droits de douane élevés. D’autre part, la consommation de vin rouge a tendance à baisser car les Français mangent moins de viande.

Face à cela, que fait Bernard Arnault ?

Il achète du temps pour essayer d’en gagner.

Et si tu ne peux pas les battre, rejoins-les !

Quand le luxe marche un peu moins bien, il marche quand même très bien sur ses piliers : maroquinerie et haute horlogerie.

Côté maroquinerie, LVMH est déjà bien doté.

Côté horlogerie, en revanche… ce n’est pas du « Tier 1 ».

Il y a bien sûr Hublot et Tag Heuer, et d’autres grandes maisons.

Mais la demande pour l’horlogerie de luxe se porte aujourd’hui sur d’autres marques : Rolex, Patek Philippe, Audemars Piguet, Cartier, Van Cleef & Arpels, Piaget, Vacheron Constantin, Richard Mille, etc.

Raison pour laquelle LVMH vient de s’offrir L’Epée 1839, une maison de haute horlogerie qui fait tout sauf des montres.

Mais qui propose des garde-temps uniques (ci-dessous, une grenade qui donne l’heure), et surtout – prohibitifs.

Une manière de se diversifier en horlogerie, et d’aller chercher un relais de croissance en externe.

Parce qu’il y a une croissance qui doit tarauder LVMH, c’est celle du groupe suisse Richemont, dont l’action progresse de +24% sur les 6 derniers mois.

Résultat : au lieu de chercher à battre la maison propriétaire des marques d’horlogerie les plus prestigieuses, Bernard Arnault vient d’y prendre une position minoritaire (pour l’instant inférieure au seuil de déclaration publique selon le droit boursier helvétique).

(Tiens, ça me fait penser au raid de LVMH sur Hermès, raté au début des années 2010).

Donc, Bernard Arnault qui doit consacrer 50% de son temps à convaincre les analystes que sa société est toujours la plus sexy en Europe, dépense un peu de sa montagne de cash pour aller chercher de la croissance ailleurs.

Quitte à faire des achats étonnants.

Un savoureux morceau de Paris

En tant qu’ancien restaurateur, la dernière acquisition du groupe me passionne : le restaurant parisien Chez L’Ami Louis.

LVMH achète un restaurant, mais ce n’est pas n’importe lequel.

L’Ami Louis, c’est une institution parisienne, où l’on vient pour se bâfrer d’un morceau de Paris.

Foie gras, escargots, poulet de Bresse et montagne de frites, côte de veau et baba au rhum.

Les plats sont coquins, les vins sont bons et très chers, les serveurs sont désagréables et fagotés dans leur veste blanche croisée.

Bref : une expérience immersive de la gastronomie traditionnelle française.

Quant à l’addition, elle vous achève : entre 200 et 250 euros par tête.

C’est là qu’on revient aux niveaux de prix du luxe !

C’est dans tous les guides touristiques : Chirac et Clinton y ont déjeuné en 1999, et tout un parterre de stars depuis.

En soi, l’acquisition de L’Ami Louis est cohérente pour un groupe qui veut être présent à tout moment pour un touriste à Paris (de la boutique de l’aéroport à l’hôtel de la Samaritaine en passant par le Bon Marché et les boutiques de l’avenue Montaigne) : il faut bien nourrir ses clients.

Comptes simplifiés de l’Ami Louis

Source : Pappers

Mais on a connu LVMH plus ambitieux.

Le restaurant qui réalisait en 2023 3,7 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 620 000 euros de bénéfice net est très rentable.

Mais il va falloir en vendre des poulets de Bresse, pour relancer la croissance !

En réalité, j’ai surtout l’impression que LVMH se renforce en luxe expérienciel (le terme n’existe pas mais on comprend).

Et en cela, il copie la stratégie de l’hôtelier Accor qui rachetait il y a quelques trimestres le groupe Paris Society, spécialisé dans l’exploitation de restaurants prisés et de boîtes de nuit.

Plusieurs choses sont sûres, quand j’achève cet article :

  • La croissance externe de LVMH est assez amusante, et va continuer à l’être. On rappelle que le fonds L Catterton de Bernard Arnault a acheté les sandales Birkenstock avant de l’introduire en bourse.
  • Avec 11,2 milliards de cash disponible, LVMH a de quoi relancer sa croissance.
  • C’était déjà dur de réserver chez L’Ami Louis, maintenant ça va l’être encore plus – et sans doute encore plus cher.

Tout ceci est passionnant, et je vais surveiller de près la suite.

Et si vous suivez l’action, elle reste chère, mais beaucoup moins que son plus haut historique atteint en avril 2023.

Et si LVMH annonce une croissance satisfaisante, je ne doute pas que l’action rebondira fortement.

A bientôt.

D’ici là, visez juste et placez bien.

Felix Baron