Cher membre du Club,
En regardant sa montre j’ai compris.
J’ai compris l’absolue cohérence dans la méthode d’un des meilleurs investisseurs de notre époque : Guy Spier.
Cet homme respecte scrupuleusement sa méthode, et ça marche.
C’est d’ailleurs tellement simple et accessible que ça donne envie de s’y mettre.
Avec une fortune de 350 millions de dollars, Guy Spier est un investisseur hors norme dont l’obsession est justement de vouloir être « comme les autres ».
Tout comme Warren Buffett, dont il se veut un disciple. Warren Buffett (fortune de 120 milliards), qui boit du Coca-Cola, conduit une modeste Toyota et vit dans un gros pavillon dans le Nebraska.
Et regardez bien cette photo prise à Davos, où les élites financières se rencontrent. Guy Spier qui vit en Suisse, a l’audace de porter une montre d’un horloger italien – qui ne vaut « que » 5 000 euros.
Je vis entre Paris et Zürich, dans un monde où le premier réflexe des hommes d’affaires est de regarder ce que vous portez à la main gauche quand ils vous serrent la main droite.
Et s’il faut s’abstenir de juger quelqu’un à sa montre – je sais à quel point ce détail n’est absolument pas dû au hasard quand il s’agit de Guy Spier.
C’est un détail qui cristallise sa stratégie d’investissement en 8 règles et qu’on peut résumer en 2 mots : profil bas.
Règle #1 – Cessez de regarder les cours de bourse en permanence
Surveiller trop souvent le prix des actions va vous faire commettre des erreurs.
À tout le moins, cela va forcément vous donner envie d’agir.
« Tiens ! Cette action qui montait hier baisse aujourd’hui : est-ce que je vends ? est-ce que j’achète ? Mon dieu j’ai loupé cette hausse : est-ce qu’il est encore temps ? »
Regarder les variations de court terme c’est comme regarder une course de chevaux : l’un monte, puis se fait rattraper, l’autre ne passe pas la haie… C’est extrêmement stressant mais au moins avec les chevaux le résultat est donné à l’arrivée.
Alors on se dit qu’on va se refaire sur la prochaine, et tant pis si on ne connait pas le cheval ni le jockey. Et c’est tout le plaisir des courses : beaucoup d’intensité et de hasard (rappelons ici qu’il faut être responsable quand on joue).
En bourse, il n’y a pas de ligne d’arrivée (sauf celle que vous fixez). Et au contraire, vous êtes censé connaître le cheval, ses parents, l’écurie, le jockey, les dernières victoires, bref : les fondamentaux financiers de l’entreprise.
Si vous déterminez que l’action que vous achetez 10 € en bourse en vaut fondamentalement le double, alors peu importe que l’action vaille 8 € ou 12 € dans les mois qui suivent.
Règle #2 – N’achetez pas ce qu’on vous vend
Si quelqu’un vient vous voir avec un « tuyau », méfiez-vous.
Inversons la perspective : pourquoi dévoileriez-vous le plan qui pourrait d’abord vous profiter ?
Et même s’il est bon, le tuyau ne l’est sans doute plus assez puisque vous n’êtes pas en avance.
Les bons dossiers boursiers se dénichent, à force de recherche et de calculs. Et ce travail permet de forcer un peu de chance qui matériellement vous donne de l’avance sur le reste du marché.
Règle #3 – Pas un mot au patron !
Cette règle est pour moi la plus difficile à suivre. J’aime discuter avec les dirigeants aux manettes, pour évaluer leur plan, le réalisme de leur ambition.
Guy Spier le déconseille pour une bonne raison. Les patrons – surtout lorsqu’ils sont aussi fondateurs – sont d’excellents communicants, quand ils ne sont pas en plus de bons vendeurs.
(Ce sont du reste ces qualités qui, parmi d’autres, leur permettent d’être à la tête d’une entreprise cotée.)
Sam Altman, patron de Chat GPT : attractif mais en perte !
En échangeant avec les dirigeants d’entreprise, on vous servira un discours toujours optimiste et téméraire sur la situation – mais rarement objectif sur les points d’inquiétude.
Dans tous les cas, en tant que petits porteurs, nous avons rarement accès aux dirigeants de sociétés cotés ! Mais cette règle peut s’appliquer concrètement en prenant avec des pincettes les communications du patron (communiqué de presse, lettre annuelle aux actionnaires).
Règle #4 – La diligence doit suivre le bon chemin
Quand vous faites votre recherche sur une entreprise, démarrez par l’information la plus objective et traitez à la fin la plus subjective.
Là encore, Guy Spier veut préserver son cerveau de la « pollution émotionnelle ».
Si vous commencez à étudier une société sous l’angle de ses chiffres : bilan, compte de résultat, ratios de rentabilité et de valorisation, etc. vos décisions découleront d’une analyse objective.
Supposons que je vous présente une société qui est en croissance de +5% chaque année, qui réalise une marge nette de 20% avant impôts, qui maîtrise sans mal un endettement faible et qui ne vaut que 5 fois ses résultats (PER de 5x)…
… Vous aurez sans doute envie d’en savoir plus, voire d’investir. Et si je vous dis qu’il s’agit d’une usine de tubes en plastique qui produit des conduits de gouttière, vous penserez peut-être : « c’est logique : le marché est mûr, c’est un produit qui se renouvelle, la concurrence est limitée ».
Et ensuite, si vous lisez dans un communiqué des résultats une déclaration du patron qui dit : « notre secteur connait la hausse du coût des matériaux, la grippe de la chaîne logistique, mais nous faisons tout pour résister », vous louerez la franchise et la transparence du dirigeant.
Maintenant, imaginez l’inverse.
Vous vous intéressez à une société parce que vous avez vu son sympathique patron à la TV, plein d’ambition et de promesses.
Il était invité à la TV parce que sa société est sur un secteur « tendance » (l’intelligence artificielle, ou un traitement contre une maladie grave en phase III par exemple).
Cela va biaiser votre jugement au moment de regarder les chiffres. Vous penserez peut-être : « c’est vrai que c’est cher pour une société qui n’est pas rentable MAIS ils vont avoir plein de contrats avec leur technologie révolutionnaire » – si jamais vous prenez la peine de regarder les chiffres.
Si vous faites votre diligence à l’envers, vous biaisez votre analyse.
Gardez le focus jusqu’à la semaine prochaine
La semaine prochaine, je vous raconterai comment les 4 autres règles de Guy Spier sont parfaitement alignées avec les 4 ci-dessus.
Notamment, vous verrez comment cet investisseur tient matériellement à ne pas se laisser distraire, se « laisser polluer » par le bruit des marchés financiers.
Car vous l’avez remarqué : tout sans sa méthode consiste à maintenir au plus haut son degré d’objectivité et son intégrité d’investisseur « value ».
Comme Warren Buffett, il veut mener ses recherches dans son coin.
Comme Warren Buffett, il veut acheter des actions d’entreprise dont il comprend les activités, et dont le prix ne reflète pas la valeur.
Comme Warren Buffett, il se méfie des dirigeants et se blinde avec des analyses chiffrées et objectives.
Cela va encore plus loin… et ça a bien l’air de lui réussir.
J’avoue avoir du mal à être aussi discipliné. Même si les statistiques sont formelles : le moins on touche à un portefeuille d’actions, et le plus il prospère !
Qu’en pensez-vous ?
Visez juste et placez bien,
Felix Baron